Chers frères et sœurs la semaine dernière nous étions invités à persévérer dans la prière jusqu’à ce que le Père nous fasse le don de la prière ; à creuser, par nos supplications la terre, de notre cœur jusqu’à ce que l’Esprit Saint fasse jaillir cette eau précieuse qui fécondera toute notre vie. Cette semaine, Jésus affirme qu’il y a des prières qui sont exaucées sans condition et d’autres qui sont vaines. Déjà dans la première lecture Ben Sira le Sage rappelait que Dieu entend la prière des pauvres, que le cri de la pauvre veuve pénètre dans les cieux. Mais Jésus va beaucoup plus loin. Il déclare qu’un pécheur qui monte au temple pour implorer de Dieu sa miséricorde sera exaucé sans condition. Il repart « justifié » dit Jésus. Alors que le pharisien qui vient au temple pour exposer devant Dieu ses mérites, repart sans avoir retrouvé la communion avec Dieu. Se présentant comme le modèle du croyant, méprisant les pécheurs, il blesse le cœur de Dieu qui aime les pécheurs et ne désespère jamais de leur conversion. Le pharisien n’aime pas **comme Dieu aime**. Depuis que l’on n’est plus obligé de se confesser avant de communier, beaucoup n’ayant pas l’impression d’avoir commis de lourdes fautes ne se confessent plus. Ils n’ont pas conscience d’avoir péché. Mais c’est justement quand ont pas conscience d’avoir péché qu’il faut se confesser. Car c’est en fréquentant ce sacrement, en s’approchant de la bonté de Dieu que l’on peut recevoir la grâce d’une lumière sur notre vie et découvrir ce que valent nos actions face à l’immense amour de Dieu. Alors on peut passer de l’attitude du pharisien qui déclare à Dieu : regarde tout ce que je fais de bien, à celle du publicain se frappant la poitrine en disant : aies pitié de moi Seigneur. Le pharisien de la parabole a vu dans la religion un moyen de croissance humaine, peut-être même de promotion sociale. Il a entendu le commandement : soyez saints. Devant Dieu il se déclare saint, c’est-à-dire différent des autres. Mais Dieu a dit : « soyez saints comme **je** suis saint ! » Or Dieu est saint parce qu’il est amour. De nos jours toutes sortes de spiritualités, nous sont proposées qui confondent la recherche du développement de soi avec la conversion, c’est-à-dire avec la croissance dans la foi, l’espérance et la charité. Beaucoup de spiritualités, même parfois des spiritualités qui se disent chrétiennes, nous proposent comme objectif ultime de devenir la meilleure version de nous-même, de développer notre potentiel. Cet objectif n’est pas condamnable en soi, sauf s’il est présenté comme l’objectif de la vie chrétienne. Regardez le pharisien de la parabole, il s’est appliqué à devenir la meilleure version de lui-même vis-à-vis de la loi, des commandements et des coutumes juives. Mais il a oublié l’essentiel : le but de la loi c’est d’aimer. Le pharisien n’a pas supplié Dieu de changer son cœur rempli de jugements, de le libérer de la dureté vis-à-vis du publicain, de l’insensibilité à sa souffrance, de l’égoïsme. Il ne cherche pas à aimer. Et c’est le modèle du pharisien que nous proposons à nos jeunes et à nos enfants, même dans nos écoles catholiques, quand nous n’avons pas le souci de leurs âmes, et que mettons en avant l’épanouissement personnel, la réussite, sans proposer la conversion au Christ, le don de soi et la sainteté. Les méthodes éducatives de saint Jean Bosco reviennent à la mode et à raison on les diffuse, mais on oublie souvent qu’il mettait au cœur de sa démarche la prière, la catéchèse et les sacrements. On ne dit pas assez qu’il passait des heures et des heures à confesser les jeunes qu’il encadrait. On n’explique pas qu’il comptait sur la grâce de Dieu pour que ces jeunes qui étaient considérés comme de la racaille, deviennent des saints. La parabole du publicain et du pharisien montre qu’il y a un choix à faire entre deux priorités, la recherche de l’épanouissement du moi, son exaltation, et le désir de l’abaissement du moi pour aimer. Or Dieu n’élève que ceux qui s’abaissent, c’est-dire ceux qui reconnaissent qu’ils ont besoin de lui pour aimer. Une conséquence de la promotion de l’épanouissement du moi, de l’individualisme, c’est le triomphe de la culture de mort. Nous le constatons ces jours-ci, quand la fête d'halloween, fête des sorcières, des fantômes et des monstres, remplace pour nos enfants et dans l’imaginaire collectif la fête des saints. La fascination de la mort remplace l’émerveillement devant la beauté de la vie éternelle, du ciel et de l’amour. Pour conclure, à travers un exemple, je voudrais essayer de nous faire pressentir combien est scandaleuse l’affirmation de Jésus : le publicain est reparti du temple justifié. Le film la môme a fait découvrir à beaucoup qu’Edith Piaf, qui avait été élevée par sa grand-mère au sein d’une maison de prostitution, avait été guérie miraculeusement à 10 ans grâce à la prière des prostituées chez qui elle vivait. Elle avait perdu la vue depuis deux ans lorsqu’en désespoir de cause celles-ci l’avaient amenée à Lisieux sur la tombe de sainte Thérèse. Une semaine plus tard, elle s’était réveillée guérie. On sait moins qu’à partir de ce moment Edith, bien que n’ayant jamais reçu la moindre leçon de catéchisme, avait vécu une profonde amitié spirituelle avec Thérèse, la priant chaque jour, lisant ses écrits. Lorsqu’elle est décédée, les obsèques religieuses lui ont été refusées à cause de sa vie sentimentale chaotique, étalée dans les journaux à scandale. Pourtant, jusqu’à son dernier souffle elle allait prier dans les églises, la prière du publicain et témoignait avec audace de sa foi. Oserait-on lui appliquer la phrase de Jésus : les publicains et les prostituées vous précèdent dans le Royaume ? Y aurait-il une part lumineuse de leur vie qui nous sera révélée au dernier jour, des actes d’amour posés que nous ne soupçonnons pas ? Le petit pas que nous pouvons faire cette semaine ce sera de nous tourner vers Dieu pour dire la prière du publicain. **« Seigneur Jésus, aies pitié du pécheur que je suis, donne-moi d’aimer comme toi tu aimes ! »** Amen !