Chers frères et sœurs, comme chaque premier dimanche de l’Avent revient cette invitation **« veillez »** ! Pour un juif ou pour un chrétien ce mot a une résonnance particulière parce que veiller c’est l’attitude de Dieu vis-à-vis de son Peuple. Dieu n’est pas un papa poule qui chercherait à tout instant à rectifier ce que fait son fils ou sa fille, mais il n’est pas non plus absent ou lointain, il est proche, **il veille sur nous**. Et parfois Dieu s’approche, aussi, il faut veiller pour ne pas manquer son passage surtout qu’il aime venir de nuit, comme un voleur nous dit Jésus. Chercher à veiller c’est donc chercher à imiter Dieu et c’est l’attitude d’un cœur qui aime. Une maman qui aime son enfant le laisse vivre et même parfois faire des bêtises, mais par son attention, sa pensée, son cœur, elle garde le contact avec lui. Si un danger se présente elle va s’en apercevoir. S’il lui manque quelque chose, elle va le ressentir. C’est pour cela que veiller ne doit pas être confondu avec « attendre ». Quand on a passé un examen, comme le bac ou le permis de conduire, on attend les résultats. Mais si l’on **attend** c’est que l’on n’a plus de prise sur ce qui va arriver. C’est exactement le contraire lorsque l’on veille. On veille pour que ce qui va arriver tourne à notre avantage. Jésus nous le fait comprendre en s’appuyant sur le récit du déluge. Il compare l’attitude des gens de cette génération avec celle de Noé. Quand une famille rase des forêts pour construire une immense embarcation qui peu à peu prend forme et qu’elle rassemble toutes sortes d’animaux il est difficile d’ignorer qu’elle s’attend à un déluge. Pourtant dit Jésus, les gens ont continué à vivre comme si de rien n’était. Pourquoi ? Peut-être parce que cela remettait en cause trop de choses que de prendre en compte le déluge à venir. Les voisins de Noé étaient peut-être un peu inquiets de ce que disait et faisait Noé mais ils ont regardé autour d’eux et ont vu que personne n’imitait Noé, alors eux aussi ont continué à vivre sans se soucier du déluge à venir. Il faut les comprendre, construire un bateau pour leur famille et rassembler des provisions c’était un investissement colossal et c’était des mois de travail. C’était surtout se singulariser vis-à-vis des autres. Pourtant l’arche de Noé annonçait un danger de mort pour ceux qui ne se seraient pas préparés, **qui n’auraient pas veillé**. La famille de Noé, elle, depuis l’annonce du déluge avait changé complètement sa façon de vivre, désormais elle mettait toute son énergie à faire ce que Dieu lui demandait et à se préparer pour le déluge. Elle assumait sa responsabilité et ne s’est pas préoccupée du qu’en dira-t-on. Elle n’a pas économisé ses forces, ni son argent. Pour reprendre les mots de saint Paul dans l’épitre aux romains, elle n’a pas eu à se réveiller de son sommeil. Elle s’est organisée pour que chaque membre de la famille participe à cette œuvre inouïe : sauver la création. La première dimension du mot veiller c’est donc, recentrer notre vie sur l’essentiel, sur notre vocation éternelle et changer ce qui doit être changé pour cela. C’est mettre en priorité la préparation de la rencontre avec le Christ en gloire et l’œuvre du salut. Mais n’est-ce pas confondre veiller et se convertir ? Les deux mots sont proches mais se convertir c’est littéralement faire demi-tour, c’est reconnaître qu’on s’est trompé de route. C’est par exemple décider de ne plus mentir et de dire la vérité. Se convertir c’est nécessaire mais veiller c’est plus que renoncer au mal et rechoisir le bien, c’est vivre une nouvelle dimension de la conversion. C’est se focaliser sur le Christ qui est là et qui vient, c’est lui donner sa place, vivre pour Dieu. Alors qu’est-ce que tout cela a à voir avec l’annonce de catastrophes liées à cet ordre de Jésus : « veillez ! » ? Le récit du déluge nous en donne l’intelligence. Pour la famille de Noé l’annonce du déluge à venir n’était pas une menace mais une responsabilité, sauver la vie sur terre et un événement à traverser pour un nouveau départ et se répande sur toute la terre. Quand Jésus annonce à ses disciples les persécutions à venir il ne leur dit pas : « vivez dans la peur ! » il leur explique qu’ils vont avoir une super occasion de témoigner de la résurrection du Christ c’est-à-dire de faire connaître l’amour de Dieu aux hommes, l’opportunité d’entrer au ciel de manière triomphale, les palmes du martyr à la main. C’est le nec plus ultra de la réussite d’une vie au regard de l’éternité. Pour un païen la mort à 16 ans de Carlo Acutis c’est une tragédie révoltante. Mais au regard de la foi c’est une étape de la mission de celui qui devait conduire à Dieu les nouvelles générations et montrer que la sainteté n’est pas une question d’âge. Le mot veiller nous rappelle donc aussi que penser comme le monde pense, c’est s’exposer à la mort alors que se laisser habiter par la pensée de Jésus c’est s’ouvrir à la vie. Chers frères et sœurs si Noé n’avait pas eu tout son clan avec lui il n’aurait pas pu échapper à la mort, ni d’ailleurs les animaux. Le clan de Noé représente l’Eglise. Aussi en cette première semaine d’Avent le petit pas que je vous propose c’est de rejoindre une fraternité d’Avent ou d’en créer une avec vos proches afin d’entrer davantage dans la pensée de Jésus et de repousser la tentation de penser comme le monde pense. Donner une heure et demie par semaine pour fortifier mon lien à la paroisse peut sembler un prix exorbitant pour nos agendas saturés. Mais au regard de la foi c’est du temps de prière et de communion fraternelle que nous vivons aussi pour le monde et c’est sans prix. **Joyeux Avent !** Amen !